Joint models


< Previous

Dans les études de cohortes, l'état de santé d'un sujet est très souvent suivi à l'aide de marqueurs longitudinaux. Le délai de survenue d'un événement (maladie, décès, sortie d'étude) est également d'un intérêt majeur. Le Dr. Dantan a effectué ces travaux de thèse de biostatistique dans le domaine du vieillissement cérébral des personnes âgées ("Modèles conjoints pour données longitudinales et données de survie incomplètes appliqués à l'étude du vieillissement cognitif"). Il s'intéresse à l'évolution d'un processus qui peut être perturbée par la survenue d'un événement d'intérêt. Par exemple, dans le contexte du vieillissement cérébral, il est bien admis qu'il existe une relation étroite entre la survenue d'une démence sénile et l'altération des fonctions cognitives et que certains facteurs de risque ont une influence sur la survenue d'une démence sénile et/ou sur les scores psychométriques caractérisant l'évolution des performances cognitives. Des mécanismes similaires sont sous-jacents à l'évolution de la fonction rénale et la survenue d'un retour en dialyse.

Pour distinguer l'évolution «normale» de l'évolution «pathologique» menant à la survenue d'un événement clinique d'intérêt, l'évolution des sujets «normaux» pourrait être comparée avec celle des futurs «malades». Deux groupes de sujets peuvent être définis en fonction de leur diagnostic effectué après une durée de suivi pré-déterminée, ce qui suppose que les sujets soient vus à cette date. Les évolutions de ces deux groupes de sujets peuvent ensuite être comparées. Ce type d'étude présente plusieurs limites liées aux données incomplètes. D'une part, les sujets en phase «pré-événementielle» montrent souvent une altération de l'évolution commençant bien avant la survenue de l'événement d'intérêt. Dans le contexte de la transplantation rénale, il peut donc y avoir une part de sujets en phase de «pré-retour en dialyse» parmi les sujets n'ayant pas connu de retour en dialyse (censure à droite). Cela peut induire une sur-estimation du déclin de la fonction rénale dans le groupe de sujets «normaux» et une augmentation de la variance des estimations. D'autre part, pour être inclus dans l'analyse, les sujets doivent être vus à la visite choisie comme date de point pour l'événement d'intérêt. Il peut exister un biais de sélection car les sujets présentant un déclin marqué semblent avoir un risque plus élevé de sortie d'étude. L'analyse séparée des deux groupes de sujets ne permet donc pas d'évaluer correctement ce déclin pré-événementiel et rend difficile l'évaluation de l'accélération du déclin pré-événementiel.

L'étude séparée de l'évolution «normale» et de l'évolution «pré-événementielle» pouvant induire des biais dans les analyses, il est nécessaire d'étudier la population dans son ensemble. De nouveaux développements méthodologiques sont nécessaires pour tenir compte de l'évolution «pré-événementielle» sans négliger les phénomènes de sélection et ce afin de mieux comprendre le processus d'évolution conduisant à la survenue d'un événement clinique. Le lien unissant l'évolution de la fonction rénale et la survenue d'un retour en dialyse suggère l'intérêt d'une approche capable de modéliser ces deux dimensions ensemble. Une modélisation conjointe de la survenue d'un retour en dialyse et de l'évolution de la fonction rénale au cours du temps vise à mieux analyser ce lien. Un de nos objectifs est de proposer un modèle conjoint permettant d'étudier l'influence des facteurs de risque simultanément sur les deux composantes et d'en mesurer les effets respectifs.

L'état de santé du patient étant fortement associé au risque de survenue d'un événement clinique d'intérêt, il est nécessaire de les étudier conjointement. L'objectif général des modèles conjoints est de rendre compte du comportement conjoint de l'évolution d'un marqueur longitudinal quantitatif et du temps de survenue d'un événement en considérant leur densité conjointe; cela permet :
  • d'étudier l'association entre l'évolution du marqueur quantitatif et la survenue de l'événement,
  • de prédire le risque de survenue d'un événement en fonction de l'évolution du marqueur,
  • d'étudier un processus quantitatif en limitant les biais liés aux sorties d'étude; quand l'événement d'intérêt est la sortie d'étude, le modèle conjoint utilisé s'apparente à un modèle de sélection,
  • et de comprendre les mécanismes d'implication de facteurs de risque sur l'évolution du processus et/ou sur le risque de survenue de l'événement.

Le modèle à effets aléatoires partagés (ou shared random-effect model) est le modèle classiquement utilisé. Son principe est de supposer que les effets aléatoires caractérisant l'évolution d'un marqueur interviennent dans le modèle pour la survenue de l'événement (Wulfsohn and Tsiatis, 1997; Henderson, 2000). L'évolution du marqueurdéfinie par un modèle linéaire mixte (Laird and Ware, 1982). Le risque de survenue d'un événement est classiquement étudié à l'aide d'un modèle des risques proportionnels (Cox, 1972). Le risque instantané d'événement est entre autre défini à l'aide d'un vecteur de paramètres associant le marqueur et le risque de survenue de l'événement par l'intermédiaire des effets aléatoires communs.